Jeudi 25 novembre

Espace Carjat (Salle des fêtes) de Fareins (01) – 20/10 €

20h30 : Gaspard Baradel Quartet

Reprise de l’interview réalisée par Michel Martelli, publiée dans Jazz-Rhone-Alpes.com le 21 avril 2020 (voir ici)

Gaspard Baradel Quartet

Il est né à Saint-Martin d’Hères, il n’y a (que) vingt-six ans. Patiemment, il a su se forger une notoriété certaine dans le monde du saxophone. Une valeur sûre…

Gaspard Baradel

Être bon musicien ? C’est être simple, avant tout…

Michel Martelli : Gaspard, comment va commencer ta route ?

Gaspard Baradel : Je suis donc natif de l’Isère et je vais grandir à Villard-Bonnot, dans la banlieue de Grenoble où je vais rester jusqu’à mes dix ans. Et puis, à onze ans, pour raisons familiales, je vais partir en Auvergne, à Clermont-Ferrand où je passerai mon Bac, en section scientifique. La musique ? Elle est née en moi alors que j’étais toujours en Isère, puisque j’ai commencé le solfège à l’âge de six ans, et le sax à l’âge de sept. On m’avait demandé de choisir mon instrument et moi, j’hésitais entre la trompette et le saxophone. Déjà. Ces deux instruments (soufflants) représentaient vraiment le jazz, et surtout, la liberté dans la musique. Ça m’avait beaucoup marqué, tu sais, la musique m’accompagne depuis que je suis tout petit… Et pourtant, seul mon père est musicien autour de moi. Et encore, musicien amateur. Il joue de la guitare – du reste, il m’en a appris les rudiments – et il a dû, sans doute, repérer en moi un certain potentiel puisqu’il m’a poussé vers la musique. Et il a bien eu raison. Donc, à sept ans, je vais entrer dans l’école associative de musique de ma ville, sous la direction de Lionel Devos, et là, je vais apprendre les bases du sax pendant quatre ans. En arrivant sur Clermont-Ferrand, je rentre au Conservatoire. Je ne vais le quitter qu’une fois mes dix-huit ans révolus. Eh bien, tu vois, de cette époque, seul le pianiste – aujourd’hui Toulousain – Étienne Manchon a suivi une route « jazz ». Les autres élèves du Conservatoire sont aujourd’hui profs ou restés dans la filière « classique »…

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M.M. : Tu vas jouer dans un groupe assez vite…

G.B. : Notre premier groupe – un sextet – on va le monter avec Étienne. Batterie, contrebasse, sax, piano, trompette et guitare. On tourne sur des reprises de standards, et sur des compositions personnelles. Dans les musiciens qui jouent avec nous, je vais te citer notre batteur, Valentin Chauchat, parce que Valentin poursuit sa route dans la musique… militaire aujourd’hui. Cette formation, dans sa forme quintet n’a duré qu’un an, mais nous l’avons poursuivie dans sa version trio sous le nom de « Valga 7 ». Pendant un an encore, nous avons tourné sur quelques petites scènes autour de Clermont. Mais je dois te préciser qu’à cette époque, je n’avais encore aucune connaissance approfondie du jazz. Au Conservatoire, j’étais toujours dans le « classique ». Ça veut dire que, sur scène, c’était, comme on dit, « à la feuille ». mais c’est une très bonne forme d’apprentissage !

M.M. : Alors, justement, le jazz, comment vient-il à toi ?

G.B. : Je vais passer, et réussir, le concours d’entrée de l’ENM de Villeurbanne et, bien sûr là, je vais véritablement commencer mon apprentissage du jazz. Et je vais rencontrer aussi énormément de musiciens ; J’allais, entre autres, très souvent au « Sirius » – là où je vais croiser Zaza Desiderio, par exemple. J’y allais les mardis soir. Mais j’allais aussi souvent à « La Clef de Voûte » et au « Phébus », qui n’existe plus aujourd’hui. Quand j’y repense, ça me faisait de belles journées – les cours pendant la journée, les jams le soir, plus le travail perso… Et puis je dois rajouter aussi que, depuis que j’ai dix-huit ans, on m’a demandé d’assurer des cours de sax dans certains villages autour de Clermont-Ferrand. Depuis que j’ai eu mon prix de Conservatoire, mon nom a commencé à circuler et la demande était là.

Tu vois, Lyon en semaine, Clermont le vendredi… ça faisait du taf, mais c’était génial. A l’ENM, je vais rencontrer de vrais amis, avec qui je joue toujours aujourd’hui, comme le batteur Josselin Hazard, ou le pianiste Antoine Bacherot. Je crois que ces deux-là sont vraiment proches, en fait on ne s’est plus quittés depuis l’ENM. Bon c’est là aussi que je vais rencontrer le trompettiste Julien Bertrand – qui vient du Puy-de-Dôme – ou encore le sax Vincent Périer, et le pianiste Paul Lamarca, que je vais retrouver plus tard….

En réalité, pendant les trois ans que je vais rester à l’ENM, je vais tourner à ce régime. Jusqu’en 2015. ceci dit, je vais faire une quatrième année à l’ENM, avec Michel Chionchini, qui va m’apprendre pendant cette année-là les rudiments de la batterie.

Après tout ça, je remets le cap sur Clermont mais, avec des allers-retours fréquents pour les groupes lyonnais avec lesquels je collabore…

M.M. : Justement, tes groupes, parlons-en…

G.B. : Sur Clermont, après « Valga 7 », un autre groupe va me marquer. Le « Karma Orchestra », un groupe plutôt rock orchestral, comprenant violon, sax, guitare, basse et batterie. C’est le guitariste Thibaut Cohade qui composait pour ce groupe. Nous avons passé quelques années ensemble, jusqu’au départ de Thibaut pour d’autres horizons…

Sur Lyon, mon premier « vrai » groupe a été « Sand Box ». Je dis « vrai » parce que, pour la première fois, j’avais la sensation qu’on construisait les choses « ensemble », avec les autres membres du groupe. Là, c’était un quartet jazz-rock, avec Vincent Bouas à la batterie, Martin Berlioux à la basse, et Martin Brédif à la guitare électrique. Notre expérience commune a duré trois ans, et puis nous avons pris chacun d’autres directions. Mais, en tout cas, cette période a été très riche pour moi, et elle a contribué à ma construction personnelle de façon importante

D’ailleurs, Martin (Brédif) a monté un autre groupe, ensuite, dans lequel je jouais. Un groupe plus « acoustique » avec quelques accents jazz-folk, « Mumbo Jumbo ». Là nous avaient rejoints Cyril Billot à la contrebasse, Gabriel Desfeux à la batterie et Rémy Genevès à la guitare électrique. Ce projet de «Mumbo Jumbo» durera deux ans qui nous feront faire quelques concerts autour de Lyon et quelques enregistrements…

M.M. : Et toujours pas d’album ?

G.B. : Il arrive ! Le premier groupe avec lequel je vais faire un CD, ça va être … un big band. Le « Blackstone Orchestra » dans lequel nous sommes dix-sept. Un big band qui fonctionne sur ses compositions personnelles, créé par Franck Pilandon – saxophoniste clermontois – et Clément Renaudie. Le groupe compte cinq saxophones, quatre trombones, quatre trompettes, un vibraphone, une contrebasse, un piano et une batterie – tenue par Josselin Hazard d’ailleurs.

C’est un travail de longue haleine, tu imagines bien, il faut gérer dix-sept musiciens. L’album est sorti en 2016, sous le titre « Du vent dans les feuilles ». Avec ce big band, on essaie de faire deux concerts par an, et cela procure à chaque fois une belle émulation, et une belle aventure humaine aussi…

Je voudrais aussi te parler d’un concept inédit que nous avons porté, Antoine, Josselin et moi pendant deux ans à la salle de concert « Fotomat » de Clermont-Ferrand. Julien Biesse, le patron des lieux nous a donné carte blanche pour jouer, en improvisation complètement libre, pendant une, deux voire trois heures devant le public, donc sans rien pour commencer – on partait sur une sonorité, un ton… D’autres musiciens sont venus, épisodiquement, nous rejoindre sur cet exercice, dont Franck Pilandon. Nos performances ont été enregistrées sur une clé USB qui regroupe quand même plus de trente heures de musique. Là aussi, l’expérience a été très enrichissante, autant pour nous que pour celles et ceux qui venaient nous écouter. On faisait ça une fois par mois….

M.M. : Tu as aussi complété ta « carte de visite » dans d’autres styles…

G.B. : C’est vrai que c’est assez diversifié. Je joue dans un groupe qui s’appelle « Alma Loca », un groupe de musique « cumbia » (sud-américaine). Là encore, Josselin est le batteur et c’est la chanteuse de ce groupe, Juliette Vélez-Funès qui souhaitait des cuivres. Voilà comment je rentre dans cet ensemble avec lequel nous avons enregistré un EP. Nombre de dates ont été d’ailleurs annulées à cause du Covid 19…

Et puis je joue aussi dans le « To Trio » qui, comme son nom l’indique, est… un quartet ! Ici, c’est du jazz manouche, emmené par Milan Ollier. On y joue quelques reprises et nombre de compositions de Milan. Tu as deux guitares, Milan et François Brunel, un contrebassiste, Natan Vidal et moi au sax. « To Trio » est un peu en stand-by en ce moment…

Du côté « lyonnais », j’ai aussi participé, avec Vincent Bouas, à un groupe plutôt de style « rock progressif » baptisé « Celsius ». Mais c’était plus, pour moi, un travail du son électrique.

J’ai participé aussi au quartet de Paul Lamarca, avec Cyril Billot à la contrebasse et Nicolas Thé à la batterie.

Je veux aussi te citer mon expérience avec les frères (jumeaux) Moutin – François, qui est contrebassiste et Louis qui est batteur. Un jour, avec « Blackstone Orchestra » on fait leur première partie. A la suite du spectacle, nous nous retrouvons dans un bar pour continuer par une « jam session ». Les frères Moutin nous ont rejoints, ont fait la jam avec nous et ça a super bien fonctionné. Au point qu’ils nous ont demandé – à Franck Pilandon et moi – de faire quelques dates avec eux. Une très belle expérience avec des musiciens de grande notoriété…

 M.M. : Est-ce que tu t’es exporté, déjà ?

G.B. : C’est beaucoup dire, mais je suis déjà allé à New-York quatre fois, entre 2014 et 2018. J’y allais sur mes vacances bien sûr, mais aussi pour découvrir cette ville qui est quand même aujourd’hui la « capitale » du jazz contemporain. J’ai pu voir et écouter nombre de grands musiciens, plus ou moins connus tout au moins en Europe et j’ai même pu faire quelques jams avec certains, là-bas.

Ça a été l’occasion, pour Antoine et Josselin qui étaient partis avec moi de rencontrer James Cammack qui a été le contrebassiste d’Ahmad Jamal, et même de jouer avec lui. Ils ont même enregistré un album ensemble, et j’ai fait un peu de « featuring » avec eux…

Mais ce n’est pas la seule belle rencontre que nous faisons tous les trois. Récemment, nos routes ont croisé celle de Laure Mayoud. Laure est une psychologue hospitalière et elle a créé une association qui s’appelle « L’invitation à la beauté », dans laquelle elle démontre, de multiples façons, l’utilité de l’art en tant que thérapie. L’art au sens large, car il n’y a pas que la musique. L’association mêle scientifiques et artistes. Nous, nous jouons pour cette association car Laure fait souvent des concerts à domicile. Même James est venu jouer chez Laure. C’est un projet de cœur pour nous…

Et puis, je terminerai par MON groupe, le « Gaspard Baradel Quartet » que j’ai mis du temps à monter, patiemment, pour lequel j’ai pensé toutes les compositions. Tu sais je n’avais pas trop d’expérience en tant que leader… Cela fait trois ans que ce quartet commence à pousser, Antoine est là, au piano, Josselin est à la batterie et Cyril Billot est à la contrebasse. Nous avons été reconnus « artistes émergents » par Jazz(s)RA, et nous avons été sélectionnés, bon pour 2021 maintenant, toujours à cause du virus, aux tremplins de « Jazz à Vienne » et de « Jazz à Avignon ». Beaucoup de nos dates se sont annulées, mais reprendront, normalement, en octobre prochain.

Notre album « Rêverie » va bientôt sortir…

Et encore plein de projets dans la tête…

Propos recueillis le 21 avril 2020.

Gaspard Baradel a déjà derrière lui une très belle carte de visite. L’occasion pour moi de découvrir, en plus du jeune musicien de talent, un homme qui sait rester simple vis-à-vis de son art, et très clairvoyant.

Tu as, Gaspard, en effet, de très belles choses à vivre devant toi, en regard de ce que tu nous a déjà donné. On suivra ça.

 Gaspard Baradel: saxophones alto et soprano ; Josselin Hazard: batterie ; Antoine Bacherot: piano ; Cyril Billot: contrebasse

22h00 : Bloom Quintet

« Bloom scelle la rencontre entre trois chanteuses particulièrement talentueuses…des harmonies de virtuose, une énergie soul et une joie de faire corps à trois qui promet un concert jubilatoire »
Louis-Julien Nicolaou – Télérama (T)

« L’un des disques les plus pétillants de la rentrée sur le front du jazz vocal » 
Jean-Charles Doukhan – TSF Jazz

« Un joli travail aux arrangements soignés où les compositions originales se mêlent aux morceaux de Sting, Vinicius de Moraes ou Abbey Lincoln, la variété des genres n’empêchant pas l’unité de style »
Philippe Vincent – Jazz Magazine

Reprise de la chronique de Laurent Brun parue dans Jazz-Rhone-Alpes.com le 27 avril 2018 (voir ici)

Bloom

Je suis allé chercher la définition du mot glamour dont on nous rabat les oreilles à longueur de temps lorsqu’il est question de parler de chanteuses de jazz, en mettant bien souvent en avant non pas les qualités vocales, musicales, des femmes mais plutôt leur attrait physique. Glamour : Type de sex appeal sophistiqué, caractéristiques de certaines stars. En musique, il y aurait un style glamour, glitter. Je préfère ne pas mourir idiot. Maintenant je saurai. Certaines femmes malheureusement se prêtent au jeu du glamour, certains groupes accentuent jusqu’à la caricature ce type de façon de se tenir et d’aguicher les hommes. Peut être aussi parce que les programmateurs sont bien souvent des hommes. Attention, je ne suis pas en train de dire qu’elles sont prêtes à tout. Et je ne suis pas non plus ni pudibond ni insensible au charme des chanteuses. En l’occurrence celles de Bloom.

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Mais pour Bloom, ce n’est pas de cela dont il s’agit, je vous préviens tout de suite.

Déjà dans Bloom il y a deux hommes et trois femmes. Et j’espère pour elles et eux qu’ils mélangent les rôles, même à la ville, dans leur tournée, chacun faisant le ménage à tour de rôle, ou la vaisselle, ou les courses. En tout cas, sur scène, c’est le cas. Chacun abat un sacré boulot. Devant, trois filles qui vous instillent dans l’esprit leurs mélodies susurrées, chantées, contenues ou criées, à une, deux ou trois voix, de la manière la plus naturelle possible. Cela pourrait avoir l’air de rien, mais il y a un travail d’arrangement bluffant. Elles sont solistes, percussionnistes, les voix se croisent, s’emmêlent, se tuilent. La mélodie court de l’une à l’autre. Elles se font vent, orage, toute une gamme de nuances pour un effet sonore des plus complets et des plus magnifiques. Elles ont travaillé l’art de l’accompagnement et chaque morceau proposé est un bijou de composition vocale. Chacune a son timbre de voix et une amplitude qui permet toutes les combinaisons possibles. Quelle énergie.

Derrière, ça pousse. Le batteur percussionniste et le contrebassiste ne font pas de la figuration, ils seraient plutôt du genre impliqué. Merveilleux musiciens, accompagnateurs ou solistes, ils rajoutent à l’impulsion naturelle des filles pour une joie communicative immédiate. Le concert passe à toute berzingue et notre corps entre temps s’est mis à s’ébranler. On se surprend à taper du pied, s’agiter, swinguer avec le groupe et chanter. Avec Bloom, c’est le genre de concert qui te donne la banane, la niaque, la pêche et l’envie. Bloom, ça n’est pas que des chanteuses et des instrumentistes, c’est une entité qui fait corps, tantôt percussions latines, tantôt groupe de gospel ou de rhythm’n’blues.

Bloom, ça vaut le déplacement.  Assurément, comme un printemps généreux.

 

Laurence Ilous, Mélina Tobiana, Léa Castro: voix ; Martin Guimbellot: contrebasse ; Ariel Tessier: batterie